Porsche Macan 4S 2025 : essai routier

Rarement la boule de cristal des manufacturiers automobiles n’aura été aussi floue que pour voir venir le déroulement du grand virage électrique de l’industrie. Poussé par l’environnement, la soif de technologie et le pouvoir législatif, ce virage toutes voiles dehors affronte aujourd’hui un fort vent de face, issu de consommateurs hésitants et d’un populisme politique qui ajoute à l’instabilité d’un marché en plein pivot. Tout ça pour dire que Porsche, à l’instar de plusieurs concurrents, a investi des milliards dans l’électrification de sa gamme, au point de délaisser abruptement les motorisations thermiques. Et c’est au tour du Macan de se brancher alors que la nouvelle génération se décline exclusivement en électrique. Porsche saura-t-elle sauver son âme dans cette transition? On prend le volant du Macan 4S pour étudier la question.

Design 7 / 10

Si la première génération du Macan adaptait la silhouette d’une 911 (petite cabine, hanches larges) aux codes d’un VUS compact, le Macan nouvelle cuvée prend du volume, l’habitacle avalant les passages de roues. Si le résultat fait moins « musclé », il gagne une élégance discrète, mais dont la signature Porsche réside surtout dans cette réinterprétation « VÉ » des inimitables phares de la marque de Stuttgart, introduite avec la Taycan. Les énormes jantes de 22 pouces semblent vouloir honorer les anciennes Fuchs des 911 classiques, mais autrement le Macan est passablement discret pour un VUS de 125 000 $. Idem à l’intérieur, où l’assemblage soigné ne cache pas la simplicité de l’ensemble, noyé de plastiques noir piano aussi rayables qu’éblouissants sous le soleil.

Puissance 8 / 10

Le Macan électrique se décline en quatre degrés de puissance, débutant avec une version éponyme qui ne dispose qu’un d’un seul moteur de 355 chevaux monté à l’essieu arrière. La traction intégrale débute chez le Macan 4 qui ajoute un moteur de 235 chevaux à l’avant, pour 402 chevaux au combiné. Le 4S remplace l’unité arrière par une plus puissante, l’équipe totalisant 509 équidés. Le Turbo, adjectif non-mécaniquement fondé, rehausse encore plus le moteur arrière, faisant grimper le palmarès à 630 chevaux. En lançant 100% de la cavalerie disponible par la mise en action du mode départ-canon, notre 4S donne mal au coeur, car avec des gommes larges et tendres, la traction intégrale et un couple maxi dès l’arrêt, le Macan bondit sans faire patiner une roue vers un 0-100 km/h d’environ quatre secondes. À contrecourant pour un VÉ, Porsche a doté l’accélérateur du Macan d’une course très longue le rendant très docile en conduite de tous les jours. Il faut donc vraiment étirer la jambe pour se faire plaquer au baquet. Soyons clairs, les reprises sont fantastiques et le Macan 4S très performant, mais sa docilité au quotidien lui donne une personnalité nettement plus clinique que la version essence. Tous les Macan se partagent une même batterie lithium-ion de 95 kWh et offrent une capacité de remorquage impressionnante de 2 000 kg.

Agrément de conduite 8 / 10

Porsche équipe son Macan d’un délicieux petit volant dont les branches minces permettent une meilleure prise en main, le régulateur de vitesse étant relégué à un levier sur la gauche. La nacelle d’instruments numériques et les sièges baquets bien galbés terminent l’annonce d’une expérience de conduite relevée, qu’on cherche un peu après les premiers kilomètres. On apprécie tout de suite la précision de la direction, sa communication avec la surface du bitume et une pédale de frein naturelle. Ne cherchez pas d’ailleurs de mode « une pédale », Porsche voulait ici des freins naturels au possible. C’est en sortant de la ville qu’on a découvert un châssis solide, le Macan – aidé par son centre de gravité bas et sa suspension pneumatique adaptative – se plaisant à défier les lois de la physique, surtout que le modèle électrique pèse environ 400 kg de plus. Sa poigne en virage est incroyable, mais il reste encore toutefois cette efficacité un peu clinique, le Macan n'étant jamais « crinqué », même en mode Sport. Et les effets sonores activables au choix ne remplaceront jamais les pétarades ludiques du Macan à essence.

Convivialité 7,5 / 10

Le Macan offre une hauteur neutre pour monter à bord, mais les sièges Sport optionnels de notre modèle d’essai peuvent compliquer l’accès pour certaines physionomies – à essayer avant d’acheter! Une fois le popotin bien calé, on remarque que le Macan démarre de lui-même, comme le font plusieurs VÉ concurrents, et qu’il s’occupe seul du frein de stationnement. La télécommande permet d’ouvrir et le coffre avant (amortisseurs), et le hayon (électrique), ce dernier pouvant être refermé avec une touche sise dans la portière. Le coffre se veut plus pratique que sur le Macan essence, et il dispose même d’une touche pour abaisser l’arrière du véhicule via la suspension pneumatique. Les interfaces conducteur sont étonnamment simples, notamment la manette du régulateur de vitesse et les contrôles de chauffage. Dommage toutefois que le noir piano qui serti ces derniers aveugle sous le soleil, et que les ports USB sont inatteignables sans se plier en quatre, à l’arrêt évidemment.

Sécurité 8 / 10

Le Macan n’a pas été soumis aux essais de collision des agences américaines, mais il reçoit une cote cinq étoiles en Europe. Autre bonne nouvelle : la plupart des aides à la conduite sont tous de série, et ils se sont avérés efficaces pendant notre essai, sans fausses alertes. Pas de direction pilotée offerte de série pour gommer les sensations, mais un aide au maintien de voie est présent. Le régulateur de vitesse dynamique est hyper efficace et comporte un mode arrêt-départ pour circulation dense des plus naturel, le meilleur qu’il nous a été donné d’essayer. Quant au freinage automatique, aucune ombre ou porte de garage béante n’a été prise pour un mur solide.

Caractéristiques 6,5 / 10

Le Macan de base offre jantes de 20 pouces, toit ouvrant panoramique, recharge sans fil d’appareil intelligent, volant et sièges avant chauffants à réglages électriques et mémoires, mais à ce prix, on s’étonne que le cuir véritable soit optionnel (de série pour le Turbo), tout comme la ventilation mécanique des sièges avant, les places chauffantes arrière et l’affichage tête haute. Les choix de coloris, de sellerie, les agencements intérieurs, jantes et pneumatiques – tout ceci rempli un menu fort élaboré dans la carte des options, laquelle comprend plusieurs frivolités, mais aussi des éléments qui devraient faire partie de l’équipement de série, comme l’essuie-glace arrière et la prise de 115V qu’on retrouve dans le coffre.

Habitabilité 7,5 / 10

Lors de notre essai du Macan à essence, l’étroitesse de la cabine nous avait surpris, ce VUS compact étant presque un « 2+2 » tellement il était « cozy ». Le Macan électrique change cette impression, étant plus long de 58 mm et plus large de 15 mm, ce dernier paramètre étant trompeur puisque les flancs du véhicule sont plus enveloppants qu’avant, avalant les passages de roues jadis protubérants. Au volant, l’impression est de gabarit intermédiaire, la cabine étant visiblement plus vaste – deux passagers n’auront pas à jouer du coude pour conquérir l’accoudoir. La banquette arrière en profite, mes 1,80 m pouvant maintenant s’asseoir derrière eux-mêmes, et y entrer trois passagers ne relève plus de l’origami. Et c’est idem au coffre, qui gagne en volume, le Macan ayant bien performé au « test Costco », avalant même des plantes en pot sans froisser une tige sous le cache-bagages. Ce dernier est simple à retirer, et on peut rabattre la banquette depuis l’arrière. Et avec le Macan électrique, on gagne un coffre avant de 75 L.

Confort 7,5 / 10

Le Macan est si serein au quotidien qu’avec sa dégaine tranquille et son habitacle monochrome noir, on avait plus l’impression de rouler en Honda qu’en Porsche. Le baquet du conducteur dispose de tant d’ajustements que la mise en mémoire des réglages est proverbiale, et mes grandes jambes ont bien apprécié le coussin extensible électrique. De même, la suspension adaptative assure un roulement plus doux que ferme, mais les godasses optionnelles de 22 pouces aux flancs minces n’aiment pas les crevasses, tout comme leur largeur provoque un dandinement du Macan dans les ornières qui affligent nos autoroutes. La sonorisation synthétique est un peu plus présente que chez d’autres marques en ville, tandis que le silence mécanique et pneumatique sur autoroute rend les bruits éoliens plus présents, un talon d’Achille commun aux VÉ.

Économie de carburant 9 / 10

De mémoire de chroniqueur, le Macan est le premier VÉ rencontré qui dispose de deux ports de recharge, un à l’aile arrière gauche (recharge AC et DC SAE) et un autre à l’aile arrière droite (recharge AC seulement), ce qui est drôlement pratique. RNCan promet une autonomie de 463 km, et le Macan a été l’un des VÉ les plus autonomistes qu’il nous a été donné d’essayer à ce jour, avec 445 km promis à la première recharge, et 461 km à la seconde. Avec une moyenne observée de 22,0 kWh/100 km et un chauffage par thermopompe, le Macan consomme peu, et de surcroît, il s’agit d’un VÉ de performance! Avec une mixité de trajets urbains, ruraux et autoroutiers, l’adéquation entre autonomie annoncée et la distance parcourue nous a toujours semblée juste. Soulignons que le chargeur embarqué de 11 kW a permis de tirer 100% de la capacité de ma borne domestique ChargePoint et de recharger plus rapidement le Macan.

Valeur 5 / 10

Au cours de son histoire, Porsche aura ponctué son offre de modèles accessibles qui seront allés chercher de nouvelles strates d’acheteurs. Mais l’histoire se répète, la facture du Macan grimpant avec le temps. La seconde génération enfonce ce clou à la massue avec un tarif de départ à 94 900 $ pour la version à propulsion, soit 27 200 $ de plus qu’un Macan à essence, et ce, avant les frais d’usages. Le modèle 4 demande 4 400 $ de plus pour l’ajout de la traction intégrale. Le 4S d’essai débute à 106 900 $ et le Turbo, à 127 800 $. Ajoutez les inévitables frais divers et la taxe de luxe, et il vous sera impossible de ne pas franchir le seuil des six chiffres. Et comme toujours chez Porsche, la carte des options, généreusement pourvue, est à but très lucratif et notre 4S en portait pour 15 500 $. On éviterait assurément les jantes de 22 pouces (plus de 5 000 $) et la chaîne Bose (incluse dans un groupe de 4 400 $), peu convaincante ici, et bien que les VÉ à propulsion se tirent généralement bien d’affaire dans la neige, pour un VUS, on favorise dans la gamme l’intégrale du 4, mais avec une incursion très modérée dans la carte des options. Pour la conduite de tous les jours, loin des lacets de montagne des routes européennes, à prestige moindre, mais luxe concurrentiel, un Genesis GV70 Électrifié (85 000 $) est une alternative alléchante.

Conclusion

Le Macan à essence n’aura connu qu’une génération, laquelle aura démocratisé la marque Porsche pour toute une génération d’automobilistes. Lancée en 2014, la production du modèle thermique s’arrêtera au cours de 2026 pour laisser toute la place à la nouvelle génération électrique, un risque autrefois calculé qui donne aujourd’hui des sueurs froides aux comptables de la marque dans un marché où l’électrique est en ressac. Porsche livre ici un excellent VÉ, et c’est en le poussant qu’on en extrait tout le savoir maison cuisiné dans son châssis. Mais contrairement à son prédécesseur, au quotidien sa flamme est en veilleuse et on cherche une âme à cette froide machine, par ailleurs très dispendieuse.