Vol de voitures : le recours collectif intenté au Québec obligera-t-il les constructeurs automobiles à prendre le fléau au sérieux ?
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En matière d'automobile, la commodité a presque toujours un coût. Le régulateur de vitesse adaptatif, qui facilite la conduite dans les embouteillages, repose sur une série de capteurs montés sur la carrosserie qui peuvent convertir le moindre accrochage en une réparation coûteuse. Les grands systèmes d'infodivertissement à écran tactile peuvent transformer votre voiture en un véritable bloc de béton s'ils tombent en panne, rendant la plupart des fonctionnalités du véhicule inaccessibles derrière un mur de plastique noir.
Et cette télécommande que vous gardez dans votre sac à main ou votre poche ? Celle qui vous permet de vous approcher de la poignée de porte de votre voiture et de la déverrouiller sans avoir à appuyer sur un bouton ? Selon un nouveau recours collectif récemment approuvé au Québec, elle permet aux voleurs potentiels de s'emparer facilement de votre véhicule. De plus, l'action en justice affirme que les constructeurs automobiles – 13 au total, couvrant la plupart des grandes marques opérant au Canada – étaient tous parfaitement conscients des faiblesses de la technologie des clés sans contact et n'ont pourtant rien fait pour protéger les propriétaires contre le vol.
Le deuxième plus vieux métier du monde
Soyons clairs : les clés sans contact n'ont pas inventé le vol de voiture, un métier dont les origines remontent à plus d'un siècle, à l'époque précédant la combustion interne, lorsque les hors-la-loi volaient des chevaux, et non des chevaux-vapeur.

En fait, pendant la majeure partie des 80 premières années de l'automobile, la protection contre le vol reposait essentiellement sur des serrures à clé traditionnelles qui pouvaient être facilement forcées à l'aide d'outils aussi simples qu'un mince morceau de métal inséré entre la vitre et la portière, puis un tournevis et un habile recâblage sous le tableau de bord. Les propriétaires devaient se tourner vers le marché des pièces de rechange pour trouver des solutions telles que des volants amovibles, des antivols comme le célèbre « The Club », voire des alarmes et des coupe-circuits d'allumage afin d'essayer de garder une longueur d'avance sur les voleurs.
Ce n'est que dans les années 1990 que l'apathie des constructeurs automobiles a commencé à s'estomper, avec la généralisation de technologies telles que les clés découpées au laser (beaucoup plus difficiles à copier) et les dispositifs d'immobilisation des véhicules. Rapidement, les clés ont intégré la technologie RFID qui permettait de les identifier comme légitimes auprès du système d'allumage du véhicule, en envoyant des signaux à l'ECU pour lui indiquer qu'il pouvait démarrer le moteur.
Une course à l'armement technologique
À mesure que la sécurité des véhicules s'améliorait, les outils utilisés par les voleurs de voitures pour la contourner évoluaient également. La demande croissante des clients en matière de commodité a ajouté de l'huile sur le feu, ce qui a conduit à l'apparition du système d'ouverture sans clé. Les premières applications reposaient sur des télécommandes dotées de boutons qu'il fallait appuyer physiquement pour verrouiller ou déverrouiller les portes d'une voiture, mais des capteurs de proximité ont finalement été ajoutés, automatisant entièrement la connexion radio, jusqu'au moment où l'on appuie sur le bouton de démarrage dans l'habitacle. Aujourd'hui, des applications mobiles permettent de connecter les véhicules à un réseau numérique qui rend le verrouillage, le déverrouillage et même le démarrage à distance aussi faciles que d'avoir un téléphone dans sa poche.
Chacune de ces fonctionnalités représente une porte d'entrée pour les voleurs férus de technologie, désireux de rechercher les faiblesses du système. Les attaques contre la sécurité des véhicules sont devenues de plus en plus sophistiquées, reflétant à bien des égards la bataille sans fin entre les éditeurs de logiciels et les pirates informatiques déterminés à accéder aux uns et aux zéros qui relient notre monde connecté à Internet.

Les voleurs ont mis au point des dispositifs capables de capter les codes de déverrouillage envoyés entre un porte-clés posé sur le comptoir de la cuisine et un véhicule garé dans l'allée, de les amplifier et de les transmettre à une personne qui attend près de la porte, prête à l'ouvrir. Une fois à l'intérieur, le logiciel du véhicule est reprogrammé pour accepter une nouvelle clé qui est ensuite utilisée par les auteurs du vol pour s'enfuir dans la nuit. Certaines attaques reposent plutôt sur l'accès physique au système électrique du véhicule, en débranchant les phares pour recoder la voiture de l'extérieur à l'aide d'un dispositif appelé « injection CAN ».
Un code du silence autour de la sécurité des télécommandes
Aussi avancés que puissent paraître les systèmes antivol aujourd'hui, la valeur monétaire des vols de voitures continue d'augmenter : en 1996, les véhicules volés au Canada représentaient 1,1 milliard de dollars de pertes, ajustées en dollars d'aujourd'hui. En 2023, ce montant était passé à 1,5 milliard de dollars.
Les principaux moteurs de l'action collective au Québec affirment que les constructeurs automobiles n'ont pas suivi le rythme de la course à l'armement contre les voleurs, ce qui a directement conduit à une augmentation indéniable du nombre de véhicules volés pendant la pandémie. Selon les plaignants, les propriétaires ont été peu informés des risques liés à la sécurité des clés sans contact, ce qui les a empêchés de prendre des mesures pour mieux protéger leurs voitures et leurs camions contre le vol. De plus, le recours collectif décrit la technologie des clés sans contact comme un « défaut de conception » dans la sécurité des véhicules.
Y aura-t-il des changements ?

Les voitures sont-elles plus vulnérables au vol à cause des clés sans contact ? Tout point d'accès à une automobile constitue une invitation pour les voleurs potentiels, qu'il s'agisse d'une vitre facile à briser, d'une porte qui s'ouvre à l'aide d'un pied-de-biche ou d'un contacteur d'allumage qui peut être forcé pour démarrer le moteur. En ce sens, oui, l'entrée et le démarrage sans clé offrent une voie supplémentaire que les criminels peuvent exploiter pour accéder à votre véhicule quotidien.
Il est clair que la sécurité automobile est un domaine en constante évolution. L'entrée sans clé étant une fonctionnalité courante sur presque tous les modèles modernes, il incombe aux constructeurs automobiles de suivre le rythme des technologies mises en place contre eux dans leur quête pour empêcher les voitures de leurs clients de disparaître dans des conteneurs de fret et des ateliers de démontage. Le succès du procès au Québec dépend de la nécessité de prouver que les constructeurs automobiles étaient conscients des attaques contre la sécurité des véhicules rendues possibles par les télécommandes, mais n'ont pris aucune mesure pour protéger les propriétaires.
Nous entrons peut-être dans un monde où les grands constructeurs ont besoin d'une équipe d'experts en sécurité à plein temps qui poussent des mises à jour logicielles par voie hertzienne aux propriétaires en réponse aux nouvelles menaces de vol, à l'image de ce que font les services informatiques du monde entier depuis des décennies. Même dans ce cas, des millions de voitures seront laissées pour compte, celles qui ont été construites avant que la technologie de mise à jour ne soit intégrée dans les spécifications de conception.
L'issue du recours collectif au Québec jouera probablement un rôle dans la détermination du sérieux avec lequel les constructeurs automobiles renforceront les protections des systèmes d'accès sans clé au Canada. Les plaignants réclament une indemnisation de 1 500 dollars pour toute personne possédant un véhicule équipé de cette technologie, ce qui représente une part énorme du marché et entraînera des répercussions financières que les constructeurs automobiles ne pourront ignorer. Cependant, avec le ralentissement des vols au Canada après leur explosion liée à la pandémie, rien ne garantit que cette action en justice aboutisse à autre chose qu'à une prise de conscience des vulnérabilités que présentent les télécommandes sans clé dans les voitures modernes.