ASTUCES POUR ACHETER

Le retour des camionnettes compactes sportives

8 déc. 2025  · 11 min de lecture

Résumé
Y'a pas à dire, la camionnette sport compacte est bel et bien de retour!

En automobile comme dans bien d’autres domaines, chaque époque a sa tendance et ces dernières sont souvent circulaires, alors qu’elles font un temps, entrent en dormance puis émergent de nouveau timidement avant de reprendre pleinement l’avant-scène. La Californie, l’un des plus grands berceaux de la culture automobile, voit souvent ces tendances naître, initiant un mouvement qui déferle ensuite sur tout le continent. C’est ainsi que, suivant de près la montée des petites voitures japonaises dans les années 70, de menues camionnettes abordables débarquèrent en bon nombre de navires venus du Soleil levant, comblant un vide ignoré jusque-là par les trois « grands » de Détroit.

Il ne fallut que quelques années pour que la culture « Hot-Rod » des Californiens n’épouse ces canevas accessibles qu’étaient les puissantes camionnettes Mazda à moteur rotatif, les sportives Toyota SR-5 avec leur fameuse boîte manuelle à cinq vitesses et les pickups Datsun à la frimousse irrésistible. Suspensions surbaissées, moteurs gonflés, pièces de carrosserie à effet de sol et peintures spectaculaires, la camionnette compacte sport était née! Cette culture était devenue si prévalente que les fabricants de jouets et modèles réduits s’y sont mis, de Mattel avec ses Hot Wheels à MPC avec ses trousses de maquettes à coller telles le « California Sunshine », basées sur le Datsun. Les manufacturiers ont suivi, tirant profit de cet engouement en offrant moult accessoires pour personnaliser son petit camion avant même qu’il ne quitte la concession. Même Détroit a emboîté le pas, apposant ses marques sur des camionnettes importées – pensez au Ford Courier (Mazda) et Chevrolet Luv (Isuzu).

Et puis, comme toute mode, le vent a tourné et le « tuning » a pris le relais, transformant les voitures compactes en bolides de course pendant que les camionnettes compactes devenaient aussi grandes, lourdes et dispendieuses que les pickups pleine grandeur d’autrefois. Comme vous aurez retenu que les modes sont circulaires, après quelques décennies de dormance, certains manufacturiers ont osé faire le premier pas, profitant du vide en entrée de gamme dans le marché des camionnettes pour introduire de nouveaux modèles à la fois véritablement compacts et hautement personnalisables.

Le salon des manufacturiers d’équipements automobile spécialisés, le SEMA, a attiré l’attention au début du mois de novembre et les camionnettes sport compact y ont fait belle figure!  Voyons un peu celles par qui renaît le segment des camionnettes compactes sportives.

Hyundai Santa Cruz

Le géant coréen avait bien caché son jeu. Après avoir présenté depuis 2014 quelques épreuves de style de grandes camionnettes portant ce nom, une version de production inattendue débarque en 2021, conçue avec fierté par le studio de design californien du manufacturier. Élaboré sur la base du VUS compact Tucson, le Santa Cruz ne s’offre chez nous qu’en version à traction intégrale mue par un puissant 4-cylindres turbo de 2,5-litres de 281 chevaux. Pionnier de la renaissance d’un segment, le Santa Cruz affiche une ligne dynamique et jeune, le faciès du Tucson prenant vie ici au-devant d’une carrosserie élancée dont la caisse est intégrée à l’ensemble, derrière une cabine qui se fond dans ses flancs. Ses airs de buggy de plage moderne font un tabac dans les villes côtières des États-Unis, surtout que Hyundai offre un beau choix de coloris ludiques, assortis de jolies jantes de 18 et 20 pouces et de diverses garnitures. Assemblé chez nos voisins du Sud qui en sont friands, Hyundai n’a aucune peine à vendre tous les Santa Cruz qu’elle peut assembler, et si on y porte attention, on peut aussi en apercevoir de nombreux exemplaires chez nous, le modèle devançant aux ventes le Jeep Gladiator pour 2024.

Aussi joli soit-il, le Santa Cruz ne fait pas juste semblant d’être un camion. Sa coque rigide et son couple de 311 lb-pi autorisent une capacité de remorquage qui peut atteindre les 2 268 kg (5 000 livres), tandis que sa caisse de 4’1’’ cache un astucieux coffre étanche et verrouillable sous le plancher, un emprunt au Honda Ridgeline. Courte, mais pratique, cette caisse - j’ai vu un voisin arriver avec un bon lot de madriers placés en angle dans son Santa Cruz. Hyundai a aussi pensé au Canada en nous offrant en exclusivité des modes de conduite boue, sable et neige. Aussi truculent que le Tucson est sérieux, le Santa Cruz répond au label de camionnette compacte sportive avec son ADN californien, sa gueule à faire tourner les têtes et son 0-100 km/h abattu en 6 secondes, le tout sans consommer comme une camionnette pleine grandeur.

Ford Maverick

Si Hyundai a relancé le segment avec ses prototypes, c’est bien Ford qui a marqué les esprits avec son Maverick. Si certains n’ont pas compris le réemploi d’un nom jadis affublé à une compacte traditionnelle, il faut comprendre qu’en Europe, Ford l’apposait à un VUS compact. Et c’est d’ailleurs l’Escape qui a fourni soubassements et mécaniques ayant servi de fondation au Maverick. Lancé avec fracas en 2021, ce véhicule a généré un engouement monstre, créant des listes d’attente qui ont duré un certain temps. D’ailleurs, il se vend nettement mieux ici que le Ranger. De ligne rétromoderne, le Maverick se décline en sage version hybride ou en dynamique modèle turbo de 250 chevaux, ce dernier abattant le fameux « 0-60 mph » en moins de six secondes. Canevas hautement personnalisable. Ford a offert dès le début du Maverick un configurateur où agencements, livrées, jantes et peintures pouvaient se combiner avec divers accessoires pour faire d’un Maverick « son » Maverick.

Et ce canevas adaptable aux prestations musclées a rapidement relancé la camionnette compacte sportive. Ford a d’ailleurs brillamment concocté son propre « hot-rod » en utilisant ses généreuses réserves de pièces de choix. Le Maverick Lobo qui sert d’ancrage à cet article possède une suspension abaissée de 13 mm à l’avant et 28 mm à l’arrière, des étriers de freins avant empruntés aux Focus ST européennes, un différentiel arrière à vectorisation de couple, un système de refroidissement renforcé, des jantes exclusives inspirées des voitures de rallye et une boîte automatique passant de huit à sept rapports, question de garder le « bon » rapport pour qui attaque des parcours de cônes sur circuit fermé les week-ends. Le tout en conservant une capacité de remorquage de 907 kg (2 000 lb, soit la moitié de celle des autres Maverick) et une consommation digne d’une voiture compacte. Si Hyundai a donné des airs de tout-terrain à son Santa Cruz, Ford s’est plutôt rallié au mouvement street truck, lui donnant des airs plus « bitume urbain ».

Ford a aussi devancé le marché de seconde monte en dévoilant au SEMA 2025 une trousse de modification des versions turbo, basée sur des pièces de Mustang EcoBoost et qui fait passer la puissance à 300 équidés, le tout installé chez votre concessionnaire et protégé par la garantie du manufacturier. Il suffit de choisir un modèle turbo doté du groupe de remorquage optionnel par lequel arrive un système de refroidissement de haute capacité, et de faire installer la trousse par son concessionnaire. Pour bien démontrer le degré de personnalisation accessible de son Maverick, pour l’édition 2025 du SEMA, en plus du « kit » mécanique, Ford l’avait chaussé avec des jantes de Mach-E GT, une belle combinaison qui sera sans doute souvent imitée!

Slate Truck

En anglais, l’expression « page blanche » se traduit par « clean slate ». On comprend alors toute la philosophie derrière cette énième jeune pousse du monde américain des véhicules électriques. N’ayant que faire de la conduite autonome et de la technologie d’hyper pointe des manufacturiers de VÉ, Slate vise comme son nom l’indique la base-base, poussant le concept jusqu’aux glaces à manivelles. Appuyée par le financement d’une société de capital de risque, liée à Geoff Bezos (le papa d’Amazon), Slate offre le canevas le plus vierge possible à qui veut faire d’une camionnette « sa » camionnette. On pousse tellement le concept à l’extrême que le petit camion n’est même pas peint – la couleur grise est celle native des panneaux composites de la carrosserie. Et la personnalisation débute par l’écran tactile, car le Truck n’en offre même pas – Slate inclue à cet effet un support pour votre appareil intelligent, qu’il soit un téléphone ou une tablette!

Si Hyundai a fait renaître le concept et que Ford l’a brillamment appliqué, Slate pousse la personnalisation d’origine à l’extrême, sans pour autant augmenter ses coûts de production, question de garder le tarif d’entrée aussi bas que possible. Dépourvue d’une coûteuse chambre de peinture, l’usine offre en remplacement la couleur par des « wraps », une technique de plus en plus populaire sur le marché de seconde monte. Slate offre également une pléthore d’accessoires qui ne se limite pas aux jantes : décalques, suspensions relevées, arceaux de sécurité et couvre-caisses de différentes formes. Et tout se démonte avec des outils de base, jusqu’à la planche de bord qu’on peut revisiter à volonté avec des pièces de diverses formes et textures.

L’accessoire le plus surprenant est sans doute cette trousse qui permet de convertir le petit camion en VUS à deux portes, la cloison arrière étant amovible. L’espace de charge accueille alors des panneaux de finition et une banquette – ou pas, selon ses souhaits! Slate reprend ici l’un des courants des camionnettes compactes d’antan, ces conversions en véhicules familiaux étant fort populaires à une époque où les petits VUS n’existaient pas. Et ici, pas de découpage requis, car tout se démonte!

Tous les petits camions Slate seront des véhicules électriques à traction avant de puissance identique, la seule option d’usine étant une batterie de plus grande capacité. La venue de Slate au Canada est pour le moment inconnue, mais on parie que ce produit serait populaire ici. Il suffit de regarder un peu sur les réseaux sociaux pour dévorer la campagne de marketing aussi espiègle que ludique de cette jeune pousse, si efficace que le public se met de la partie en présentant ses créations issues du configurateur mis en ligne par la marque.

De tendance à mouvement

Les autres manufacturiers, ayant pris bonne note du « phénomène Maverick », ne vont pas laisser ce lucratif train passer. Ram nous promet depuis quelques temps déjà le retour du Dakota, et les rumeurs fusent à l’effet que Toyota pourrait livrer en 2027 un modèle philosophiquement près des Santa Cruz et Maverick.

Nous nous sommes d’ailleurs bien amusés avec ce dernier, notre Lobo d’essai possédant un surprenant coup de volant, des prestations musclées, une maniabilité géniale en ville et une caisse encore plus pratique qu’anticipée. Le tout pour le même budget d’essence qu’un simple VUS sous-compact. Et à voir le nombre de têtes qui se tournaient dans le sillage du Lobo et tous ces « likes » sur les publications de Slate, le public semble voir le retour des camionnettes sport compactes comme une belle bouffée d’air frais en ces temps bien gris. Même MPC a relancé sa maquette du pickup Datsun avec tout un lot de pièces de personnalisation – y’a pas à dire, la camionnette sport compacte est bel et bien de retour!

Rencontrez l'auteur

Daniel Beaulieu est un ingénieur en transports bilingue de la région de Montréal affligé d’une passion aigüe pour tout ce qui touche à l’automobile. Ayant fait ses débuts comme chroniqueur automobile / pigiste chez Car and Driver, Daniel est devenu par la suite collaborateur et réviseur au Guide de l’auto, à l’imprimé comme sur le web. Daniel s’est joint à la famille du groupe Trader en 2015 où il partage avec les lecteurs ses aventures sur quatre roues.